“Voyager à vélo est synonyme de liberté”

  • Tourisme et loisirs

Il y a tout juste deux ans, Kat et son compagnon ont entamé un voyage à vélo qui les a menés jusqu’en Chine. De retour en Belgique, Kat revient sur son périple à travers le monde.

Par quoi as-tu été surprise ?

Ce qui m’a le plus surpris, c’est le nombre de personnes qui voyagent à vélo. C’est vrai qu’en Europe, j’ai rarement croisé des personnes qui planifiaient un tel trip. Mais dès qu’on s’éloigne du continent européen, ça devient de plus en plus courant. Le nombre de voyageurs-cyclistes était encore plus impressionnant une fois dépassé le Caucase. J’ai réalisé qu’on était loin d’être seuls sur la route. Le fait d’avoir des étendues de pistes cyclables, comme au Tadjikistan, doit évidemment jouer.

Et encore, on voyageait durant le mois de septembre, donc en période de basse saison touristique. C’est pour dire … Je n’ose même pas imaginer ce que ça doit être en haute saison… on doit vraiment se rouler dessus ! D’un autre côté, c’est assez rassurant de savoir qu’il y a d’autres cyclistes sur qui tu peux compter en cas de pépin.

Après coup, j’ai aussi réalisé que je n’y connaissais pas grand chose en mécanique vélo. Je sais tout juste changer un bloc de frein et coller une rustine. Comme quoi, il ne faut pas être un guru de la mécanique pour entamer un voyage. D’ailleurs, je ne sais toujours pas régler le dérailleur [rire].

Comment as-tu préparée ce voyage (matériellement, mentalement et physiquement) ?

Disons que la préparation était surtout matérielle [rire]. Mon compagnon s’est surtout renseigné pour trouver du matériel avec un bon rapport qualité-prix. Maintenant, on était prêts à mettre le prix lorsqu’une marque en valait la peine. Pour ce genre d’info, le forum du site Warmshowers.org est une vraie mine d’or. Bike-components.de est un autre site a placé dans sa barre de favoris. Je vous conseille néanmoins de rester vigilant aux conditions de garantie. On a également bénéficié d’un bon suivi de la part des marques après le voyage. Il faut dire que le fait d’avoir voyagé depuis si longtemps ne laisse pas les marques insensibles.

Smartphone

De base, nous ne sommes pas de grands amateurs de smartphone. Ceci-dit, quand on voyage, le smartphone est aujourd’hui l’outil le plus facile pour garder le contact avec ses proches. Les ordinateurs se font quand même rares dans les auberges alors que le wifi est disponible partout. Aussi, le smartphone s’est avéré être bien utile pour trouver notre itinéraire. Au début, on fonctionnait avec des cartes papier. Malgré tout le charme qu’on peut leur reconnaître, il faut avouer que ce n’est pas toujours pratique. En Europe de l’Ouest, les routes sont bien balisées donc on n’avait pas besoin de carte. Par contre, quand on dépasse la frontière, c’est une autre affaire …

Et votre condition physique ?

On n’était pas en super forme quand on a débuté le voyage, mais ça ne nous a jamais posé de problème. Puis, les deux premiers mois étaient assez tranquilles, on a pédalé le long de rivières. Le parcours s’est corsé par la suite… Comparé au voyage en sac à dos, le vélo est beaucoup moins éprouvant : un kilo de plus ou de moins, ça ne change pas tant que ça !

De toute façon, on est partis dans une optique assez cool sans se fixer de limite butoir. Ca aide à ne pas se mettre trop de pression. Si l’un de nous était fatigué ou si nous n’avions pas envie de rouler, on prenait simplement une pause.

… et mentalement ?

On est partis sans se poser trop de questions. Bon, c’est vrai qu’on a eu des doutes la veille du départ. Mais ça faisait tellement longtemps qu’on en discutait autour de nous, on ne pouvait plus retourner en arrière… le voyage avait d’une certaine manière déjà commencé ! Aucun regret, chaque jour nous rappelle qu’on a fait le bon choix. [rire]

Tu ne sais jamais à quoi t’attendre. La seule chose dont tu peux être certain, c’est que tu seras loin de chez toi pendant un bout de temps.

On avait déjà voyagé ensemble, pour des plus ou moins longues périodes. Malgré cela, tu ne sais jamais à quoi t’attendre. La seule chose dont tu peux être certain, c’est que tu seras loin de chez toi pendant un bon bout de temps.

Y-avait-il des détails auxquels vous n’aviez pas pensé ?

Oui, et quels détails ! Les premières semaines, il a beaucoup plu. Nous n’avions évidemment pas prévu de prendre des accessoires étanches avec nous. On s’est permis un peu plus de luxe, comme des sacs imperméables, lorsque notre tente a vraiment commencé à sentir. Fort heureusement, on était encore en Europe donc on a pu se fournir tout le nécessaire en cours de route.

On réglait pas mal de nos problèmes avec le spray WD-40 et le ruban adhésif Ducttape. On a dû le sortir quelque fois celui-là, notamment quand il a fallu réparer notre tente qui s’était envolée. Pour des réparations qui devaient tenir le coup un peu plus longtemps, on utilisait Seam Grip, un autre type de colle étanche. Quant à la dérive de chaine, on y a pensé beaucoup trop tard. De prime abord, on n’en voit pas trop l’utilité mais le jour où on en a vraiment besoin, on est content de l’avoir ! Mais de nouveau, heureusement qu’on peut toujours compter sur les autres cyclistes en cas de pépin.

Quid des pédales automatiques et du pantalon cycliste ?

Tout dépend de l’optique du voyage. Si l’objectif est de faire une performance sportive, alors oui, la pédale automatique est un vrai plus. Personnellement, je n’en ai jamais utilisé et je n’en ai jamais ressenti le besoin. Par contre, j’ai porté des collants vélo pendant tout un temps… jusqu’à ce que je me rende compte que ce n’était pas vraiment nécessaire. Après tout, une fois que ton corps s’est habitué à la selle, collant ou pas, ça ne change pas grand chose.

Peux-tu m’en dire un peu plus sur votre budget ?

On avait prévu un budget de 10 euros par jour. En un an et demi, on a réussi à mettre 5000 euros de côté. C’était suffisant pour vivre correctement, vu qu’on dormait régulièrement en camping et qu’on se préparait souvent à manger. Le budget qu’on s’était fixé était un peu serré pour l’Europe de l’Ouest mais complètement adapté au niveau de vie de l’Europe de l’Est. Après, à chacun de voir le standing dans lequel il veut voyager. Ça se ressent évidemment sur la note de fin de voyage.

Parfois, le budget dépend aussi des pays et de leur coutume. Pour donner un exemple, en Ouzbékistan, les touristes sont obligés de dormir un certain nombre de nuit dans un hôtel ou une auberge. C’est ce que l’on a fait car on pouvait être soumis à des contrôles. En Turquie et en Iran, on dormait la plupart du temps chez les habitants, souvent sans avoir eu de contact préalable avec eux. Pour la petite anecdote, il y en a même qui se disputaient pour pouvoir nous héberger [rire].

Au début de notre voyage, sous l’effet de l’excitation, on voulait absolument dormir en camping. Mais la météo en Europe ne nous le permettait pas tous les jours. Dans tous les cas, dormir bien au chaud et pouvoir prendre une douche ne serait-ce qu’une fois par semaine n’est pas du luxe. Au niveau des repas, ce n’était pas toujours facile de varier notre alimentation, surtout lorsqu’on est végétarien.

Le voyage à vélo 2.0

Warmshowers.org est une plateforme en ligne comparable à CouchSurfing.com ou BeWelcome.org mais spécialement conçue pour les cyclistes. On y trouve de nombreux hôtes prêts à ouvrir les portes de leur maison et/ou leur jardin aux voyageurs-cyclistes, proposant également leur aide en cas de besoin ou simplement désireux de partager un moment autour d’un verre. Même lors de nos préparatifs, le site Warmshowers nous a été très utile.

La plateforme Trustroots.org nous a également permis de faire des rencontres inoubliables. Cependant, il ne nous a pas uniquement fallu de coup de pouce virtuel pour faire de super rencontres. Nous avons croisé à plusieurs reprises d’autres voyageurs-cyclistes avec qui nous échangions conseils et expériences et avec qui nous parcourions même un bout de chemin. Des échanges qui ne sont pas virtuels et qui nous ont pourtant menés vers des lieux insoupçonnés par les plateformes 2.0.

La plateforme Maps.me nous a également beaucoup servi. Elle nous permettait de télécharger gratuitement les cartes de nos itinéraires et de les utiliser sans connexion internet. Ces cartes valent de l’or car elles sont alimentées par les spots intéressants des autres voyageurs !

Vous avez déjà voyagé de manière alternative auparavant. Qu’apporte le vélo en plus ?

Le vélo, c’est l’indépendance, la liberté totale ! Voyager en sac à dos procure aussi ce sentiment de liberté, d’autant plus qu’un randonneur est plus libre d’emprunter les chemins qu’il veut. D’un autre côté, tu es limité par les distances ou par des aides extérieures. Si tu fais du stop, tu ne sais jamais ce qu’il peut se passer, où et quand tu vas arriver. A mes yeux, voyager en vélo est plus subtile. Tu peux parcourir de longues distances tout en prenant ton temps et en paramétrant ton parcours.

Parfois, ce n’est pas plus mal de partir sans être trop préparé, tu évites de paniquer 

Voyager en vélo peut paraitre plus individualiste que de faire du stop. On a parfois regretté de ne pas être plus en contact avec la population locale. Mais bon, on était à deux et souvent dans notre bulle.

De plus, l’exercice nous a plus d’une fois prouvé ses vertus. Je n’ai jamais été très sportive, mais après avoir autant pédalé je remarque que ça a un impact positif énorme sur le moral. Notre expérience prouve qu’il ne faut pas forcément être sportive pour voyager en vélo.

Avez-vous vécu des expériences décevantes ou y-a-t ’il des choses que vous avez sous-estimées ?

[Moment de réflexion] Des déceptions, non. Nous n’avions pas non plus de grandes attentes. Mon ami comptait un peu plus sur ce voyage pour trouver des réponses à certaines questions personnelles qu’il se posait. Mais ça ne fonctionne pas toujours comme ça.

Ça n’a pas toujours été facile entre nous : tu vis jour et nuit coller à l’autre, ce qui crée inévitablement des tensions. Puis sans le vouloir, tu installes une routine dans un mode de vie qui n’a pourtant rien de conventionnel. Ceci-dit, au fil du temps tu apprends à connaître l’autre personne sous un tout autre angle.

Peu de temps avant que je rentre en Belgique, j’ai remarqué que je me laissais moins surprendre par la beauté des paysages. Un beau couché de soleil, un point de vue à couper le souffle… Je ne ressentais plus rien face aux paysages d’Ouzbékistan. Je regrettais la simplicité avec laquelle je pouvais m’émerveiller et être reconnaissance de ce que j’étais en train de vivre. C’était peut-être un signe… il était temps de rentrer.

Mais des grosses déceptions ? Non, si ça avait été le cas, on aurait écourté notre voyage [rire].

Quel est le plus beau souvenir de ton voyage ?

Au Sud de l’Arménie, à la frontière avec l’Iran, après avoir dévalé une pente d’un kilomètre et demi… nous sommes arrivés dans la réserve naturelle de Shikahogh. Le bonheur à l’état pur !

Après un si long voyage, qu’est-ce que ça fait de pédaler à nouveau dans les rues de Bruxelles ?

J’étais super enthousiaste de voir qu’il y ait bien plus de cyclistes sur la route qu’à mon départ, surtout pendant les heures de pointe. Ce n’est pas toujours évident de partager la route avec autant de cyclistes, mais vous remarquerez que les automobilistes s’y accommodent de plus en plus.  Ce qui me dérange plus, c’est le fait qu’il y ait des travaux un peu partout dans Bruxelles et aucune déviation n’a été prévue pour les vélos. Mais retenons le positif, le vélo est de plus en plus populaire à Bruxelles et c’est une très bonne chose !

Un dernier conseil à donner aux futurs cyclistes-voyageurs ?

Un jour quelqu’un m’a dit : « c’est parfois mieux de partir en n’étant pas totalement préparé de sorte à ne pas paniquer. A chaque problème sa solution, donc autant voir ça au moment opportun ! Autrement, vous n’oserez jamais partir. »